Ascension du volcan Kerinci (3805m)
A 8h le lendemain, Een me prend encore avec son deux-roues, et par une petite route empruntée par les paysans partant aux champs à moto, où en carrioles tirées par des bœufs, on arrive au départ du sentier pénétrant rapidement dans la forêt pour nous mener au Kerinci et ses 3800m. On voit rapidement des singes langurs, et on entend au loin les proboscis plus sauvages. Een me montre oiseaux et fleurs. Je dois prendre garde à des feuilles qui provoquent des brûlures. Un écureuil noir nous observe. Des nuages menaçants cachent le sommet. On progresse « monkey style », de branche en branche, de racine en racine, bien utiles pour grimper. La fréquentation et le ravinement ont creusé le sentier, formant de petits canyons. Een s’arrête régulièrement pour les prières, se lavant soigneusement pieds et mains, et se tournant vers La Mecque. J’en profite pour explorer les environs, tentant le plus souvent vainement de capturer l’image d’un de ces nombreux oiseaux multicolores. On arrête bivouaquer à 3100m, j’aurais préféré monter encore, mais Een, qui a grimpé le volcan 400 fois, a ses habitudes, il a une bâche, des flip-flops, des bouteilles vides, cachés près d’un replat où il campe toujours. Il pleut maintenant. On tend la grande bâche entre des piquets de bois et on monte la tente en-dessous. En me lavant, je découvre sur mon corps une multitude de petits points rouges. J’attribue ça à une intoxication alimentaire, ayant mangé du poisson pas frais hier soir au village. Mais, ça ne me gêne que légèrement.
Pendant qu’Een va à la source, prépare thé, puis repas du soir très copieux, soupe aux nouilles, riz avec poissons et succulentes patates aux herbes, je lis et écoute la radio. On entend les voix d’un groupe de jeunes locaux campant plus haut. Je fais des rêves étranges, mêlant pluie, Kerinci, Himalaya. Il pleut jusqu’à 4h du matin. On part à la frontale alors, après café et gâteaux pour les derniers 700m de dénivelé. On grimpe encore une heure dans la forêt, la végétation se rabougrit. La lampe frontale me donne l’impression de faire face à une falaise, et pourtant on grimpe aisément de racine en racine, puis on atteint une zone de cailloux et gravillons noirs roulant sous les pieds. Le soleil levant rougit les nuages à l’est. Ceux-ci s’écartent un instant laissant l’astre apparaître, et on distingue encore tout en bas les lumières des villages, le lac Tujuh vraiment posé sur la montagne, et la cascade qui dégringole ses eaux pour alimenter la rivière. La mer apparaît à son tour, et le lac Kerinci, et l’immense forêt à l’ouest où se cachent les derniers tigres de Sumatra. Nous voici au sommet sur une arête surplombant le cratère caché dans les nuages, d’où s’échappe une odeur de soufre. La vue est impressionnante, ça s’est découvert, il fait frisquet sans plus et je ne mets même pas la doudoune. Un Suisse a disparu récemment dans le cratère. Monté seul au sommet, il n’a jamais été retrouvé, je pense à lui et reste prudent. Quelques-uns du groupe de jeunes nous rejoignent au sommet.