On monte ensuite dans des éboulis pentus, dans un paysage exceptionnel tant à l’est qu’à l’ouest avec des sommets enneigés, il ne subsiste qu’une pauvre végétation rabougrie, on aperçoit des traces de blue sheeps, sorte de mouflons. A 6h30, on est au premier col, premier point de vue sur le Kangchenjunga, le Kabru (7338 et 7317m), et d’autres. Nima n’a pas envie de continuer, « il reste 3h jusqu’au Goeche La, et des passages dangereux… ». J’insiste et il se décide à continuer. Ouf, c’est trop beau pour s’arrêter là. On a atteint déjà les 4500m, plus que 500m, mais les plus durs. Effectivement, la descente très raide de ce premier col s’avère dangereuse, glissante, la neige cache le passage. Nima, un peu hésitant par endroit, tient mieux que moi malgré ses chaussures pas adaptées. On marche 1/2h dans la neige sur du plat, puis on attaque la moraine qui doit nous mener au col, qu’on ne voit pas encore. Les sommets cachent encore le soleil, on zigzague, grimpant raide entre les rochers, on fait de courts arrêts, la respiration est difficile, mais on avance bien. Maintenant presque en haut de la moraine et au soleil, il ne nous reste plus qu’à suivre le chemin en balcon jusqu’au Goeche La qu’on voit maintenant tout près, et des frissons de bonheur me traverse déjà le corps.
A 8h30, C’est gagné, malgré un petit nuage qui s’est collé en haut du troisième sommet du monde (Kangchenjunga 8585m), la vision est magique. Photos, petite collation sous le soleil, je peux enfin enlever la doudoune, et on redescend. Pour ne pas se brûler les yeux sans lunettes, Nima découpe un morceau de drapeaux à prière pour les protéger, ça semble un peu efficace.
Cette fois on peut marcher dans nos pas. Déjà au loin, les nuages apparaissent. Ça a un peu fondu au soleil et ça glisse moins au retour. Vers 11h, on est au lac Samiti où le yak man et le porteur sont venus à notre rencontre, ce dernier, Sunil, pour la première fois ici, est tout aussi émerveillé.
Mais tous les deux sont allés déranger le moine en méditation, qui les engueule et les chasse. A 11h30 à Lamuni, il neige à nouveau. Ma tente a séché au soleil, je m’allonge au chaud et m’endors aussitôt, mais Sunil me réveille pour le thé puis une soupe aux nouilles et galettes. Je démonte rapidement ma tente et rejoins seul Thangsing, où deux équipes sont arrivées. Ils sont déjà vers 14h enfouis dans leurs duvets sous leurs tentes. Mes amis me rejoignent, et après le thé, on repart aussitôt sur un sentier descendant dans une végétation différente, le long d’un torrent, grands sapins, beaucoup de rhododendrons. Après deux ponts de bois, on peut s’installer dans la grande cabane de Kokchurong à 3700m, au bord de la rivière Rangit.
Seule équipe ici à nouveau, on se partage les deux immenses dortoirs nus, je prends celui de droite, les autres le gauche. Je bouche les carreaux cassés. Il neige par moment, il fait un petit peu moins froid. Le yak man se bat encore avec le dzo indocile.