Après une longue et bonne nuit réparatrice, je refais la petite route de jour zigzaguant entre les trous jusqu’à Madja où les policiers me voyant passer semblent hésiter à m’arrêter mais me laissent filer. Ça monte et descend sur la route de Dimapur, avec un habitat différent, des maisons faites de claie et bambou. Des gamins m’accompagnent un bout à vélo, je passe un grand marché juste avant la ville où j’arrive vers 13h, à la frontière du Nagaland. Je la traverse sans trop de difficulté en me renseignant souvent, me retrouve par hasard au Saramati, en fait un bon hôtel où les guides amènent les étrangers. Excellent rapport qualité/prix. Et j’ai le temps de parcourir la ville à pieds, avec les trottoirs encombrés de camelots. Dimapur n’a pas très bonne réputation, des attentats y ont eu lieu, mais tout semble bien calme, et les rues très fréquentées.
J’ai 80 km à pédaler jusqu’à Kohima, la capitale du Nagaland, perchée à 1500m, on m’a annoncé une route qui n’arrête pas de monter et très mauvaise. Je me dis que 1500m en 80 km, ça ne fait pas un gros dénivelé et je suis plutôt confiant. Je suis plus inquiet quant à la situation politique, des groupes rebelles refusant les accords avec le gouvernement indien opèrent encore ici et là.
Les militaires sont installés un peu partout et je crains qu’ils ne me laissent continuer seul à vélo. On verra bien. Je n’ai trouvé aucune trace d’occidentaux s’étant déjà aventurés dans l’état à vélo depuis son ouverture au tourisme individuel.
Le Nagaland est un petit état bordé à l’est par la Birmanie, 16527km²et 1,6 millions d’habitants à 85% des Nagas chrétiens, anciens chasseurs cueilleurs et chasseurs de tête, valeureux guerriers qui ont vaillamment repoussé tout envahisseur au fil des siècles, tout en se battant entre eux. Depuis 1947, quand les Nagas ont déclaré leur indépendance en même temps que l’Inde qui considérait l’état partie d’Assam donc indien, la région a connu des troubles, avec une répression brutale des militaires. Ces derniers ont maintenant changé de stratégie et des accords sont peu à peu passés avec les différents groupes.
A 6 heures du matin au petit jour, dans un léger brouillard que le soleil levant commence à percer, je me mets en route. C’est plat sur une vingtaine de kilomètres, puis la route, en assez bon état, s’élève légèrement entre une rivière et de fortes pentes à éboulis. Sumos (jeeps), bus, taxis, quelques camions constituent l’essentiel du léger trafic.
Après 25 km, j’arrive à un premier camp militaire, je vois un gradé s’avancer vers moi pour m’arrêter, je me dis que ça y est, ils vont me coller dans un bus ! Mais non, type très sympa qui me fait asseoir dans une casemate et me fait amener un petit déjeuner.