Nord du Laos à vélo, itinéraire et récit (janvier2017)
Houay Xay vit au rythme des arrivées et départs de touristes, venus par le pont de l’amitié ou en bateau sur le Mékong. Je la quitte le 8 janvier en direction de Luang Namtha, par un temps couvert et frais, supportant le k-way. Je m’habitue aux villages de maisons de bois sur pilotis, aux volailles et porcs, au linge qui sèche un peu partout, aux incessants « sabaidee » des enfants, à la propagande gouvernementale par haut-parleur, matin et soir.
Houay Sai
le Mekong à Houay sai
Les temples bouddhistes reflètent bien la différence de niveau économique avec la Thaïlande, peintures délavées, modestie des habitations des moines, qu’on peut souvent voir à vélo ici et pas en Thaïlande. Plus j’avance et plus les villages se font rares mais plus pittoresques. Après 30 km assez pentus, le relief s’accentue et le dénivelé restera important jusqu’à proximité de Luang Namtha. Je dors à Donchai chez un épicier qui loue 3 chambres rudimentaires dans une maison de bois au-dessus de la rivière, puis à Vieng Phouka dans le parc national Nam Ha. J’y rencontre Lucas, un Suisse de21 ans sur un tour du monde, déjà depuis 10 mois sur les routes, qui m’accompagne jusqu’à Luang Namtha, sous une pluie fine, qui nous incitera à rester 3 nuits dans cette ville très fréquentées par les voyageurs, amateurs de treks. On y fait beaucoup de rencontres de gens qui sillonnent la planète, notamment quelques cyclistes. Des pistes boueuses, des ponts de bambou, mènent à des villages où les gens mènent une vie simple, utilisant au maximum ce que leur offre la nature, élevant volailles, porcs, vaches, cultivant légumes, riz ou maïs. Les jeunes adultes semblent quand même un peu s’ennuyer, tournant en scooter ou moto. Des fêtes ont lieu, nouvel an ethnique, ou mariage, ils mangent et boivent, installés sur du mobilier plastique, inondés par une musique tonitruante un peu casse-tête.
Luang Nam Tha
J’apprends qu’il n’y a plus de bateaux de Hat Sa vers Phôngsali qui redescendent sur Nong Khiaw, à cause de barrages construits par les Chinois sur la Nam Ou.
Le soir, on mange au marché de nuit pour 2 ou 3 euros.
Lucas s’en va sur Nale par une piste improbable, moi sur Oudomxay. Des travaux, des passages boueux, des nids de poule…freinent ma progression. Je vois beaucoup de camions chinois venus de leur pays tout proche, beaucoup habitent le nord du Laos. On constate le développement de la région avec les nombreuses stations d’essence en construction, souvent chinoises.
Environ 40 km avant Oudomxay, j’attaque une côte d’une quinzaine de km, pas très forte, 4 à 6%, qui fait traverser des villages d’altitude, toujours très vivants, avec des enfants jouant et des adultes affairés à diverses tâches, lessive, construction, séchage et tri de grains ou légumes. Belle descente ensuite sur la ville, mais comme toujours dans ces régions, quelques remontées cassent un peu le moral! Les 20% de Chinois habitant la ville tiennent beaucoup de commerces, souvent des magasins de bricolage. J’aime bien la ville, peu touristique; le temple Phu Tat la domine, un endroit idéal pour admirer le coucher de soleil. Les khmus fêtent leur nouvel an dans une joyeuse ambiance, tous en costumes noirs et rouges, avec chants, danses, jeux, déguisements, beaucoup de rigolades…
Je renonce à Phôngsali, vu la suppression du bateau, et roule jusqu’à Muang Khua. Depuis Muang La, la route longe le cours descendant de rivières et c’est bien agréable, d’autant que le trafic est quasi nul, les villages accueillants. De la route, j’entends souvent les coups de hache des gens à la recherche de bois pour la cuisine. Si les bateaux joignent encore Muang Khua à Muang Ngoi puis Nong Khiaw, ça n’est peut-être plus pour longtemps. Les Chinois construisent plusieurs barrages sur la Nam Ou. Les bateaux de Nong Khiaw à Luang Prabang ont déjà été supprimés pour les mêmes raisons.
nouvel an khmu à Udomxay
Les terrasses des restaurants surplombent la Nam Ou, on peut y admirer les allers et venues des longs bateaux à moteurs. Une piste longeant la rivière m’emmène en 5 km jusqu’Ban Chilli, village de bout du monde où on m’observe déambuler entre les maisons sur pilotis. Des adultes boivent de l’alcool de riz dans une grande pièce, les jeunes discutent, personne ne parle anglais, on ne peut qu’échanger quelques sourires et des ok, ok…
Ban Chili
Le bateau qui m’emmène à Muang Ngoi est archiplein, on est bien 30. Beaucoup de Français, dont un groupe de jeunes infirmières. Je dois payer un supplément de 50000 kips pour le vélo, que le pilote se met dans la poche et à l’arrivée, une femme prétendant que je n’avais pas payé pour le vélo, puisque le type avait refusé d’en marquer le prix sur le ticket, me demandait à nouveau 50000 kips et j’ai dû un peu m’énerver ! Mais au moins sur les bateaux, les prix sont fixés à l’avance et doivent faire l’objet d’un ticket, alors que pour les bus, on paie directement au chauffeur pour le vélo, et l’argent va dans leur poche et ils ont tendance à nous surtaxer. Même si ça n’est pas la ruine, il n’y pas de raison qu’on soit leurs vaches à lait.
En tous cas le paysage est magnifique, surtout à l’approche de Muang Ngoi avec ces hautes falaises. La rue de ce village parallèle à la rivière ne comprend que des guest-houses ou des magasins à destination principalement des nombreux touristes. Des pistes mènent en quelques kilomètres, à des grottes, à de pittoresques villages (Huay Sen, Ban Na) où on peut aussi dormir. Il est possible aussi de rejoindre en une journée Nong Khiaw à pieds, voir à vélo, par une piste longeant la rivière, avec des côtes courtes mais très pentues. Je prends le bateau.
Muang Ngoi
Nong Khiaw est un des plus beaux villages du nord du Laos. Et les voyageurs le savent et y viennent nombreux. On accède à vélo à des petits villages, des grottes, à pieds jusqu’en haut d’une colline d’où la vue, tôt le matin, sur le village, la rivière, les montagnes environnantes, et sur la mer de nuages, récompense ce petit effort. Ici comme pour chaque site à visiter, les locaux perçoivent un droit d’entrée, qui leur permet d’entretenir les sentiers d’accès.
Nong Khiaw
Je rejoins vers l’ouest Pak Mong sur la route 13, puis j’oblique direction sud sur Luang Prabang, vers le sud. Un énorme barrage est en construction sur la Nam Ou. Un très long mur de béton longe la route, recouvert de peintures représentant scènes et paysages de la vie chinoise. Je campe dans un bois de bambou, bercé par d’étranges cris d’oiseaux, et arrive tôt à Luang Prabang, qui s’est élargi depuis ma visite en 2000, mais dont le centre historique n’a pas changé.
Je fais une belle balade jusqu’aux chutes de Kuang Si à une trentaine de km, remarquables site bien géré malgré la fréquentation importante, aux bassins successifs couleur émeraude.
Je passe plusieurs jours à visiter les temples, le musée national et son parc, les villages environnants, de part et d’autre du Mékong. La colline et le temple de Phou Si sont noirs de monde au coucher de soleil, c’est un peu la bousculade pour prendre des photos.
cascade de Kuang Si
temple Xieng Thong
Luang Prabang
Je prends le bateau pour Pak Beng sur le Mékong, 9 h à remonter le courant. Même si les sièges sont confortables, ça fait long ! Pak Beng profite bien du tourisme grâce à l’étape obligatoire des bateaux. Ils ont tendance à exagérer sur les prix et j’envoie promener un marchand qui me propose des bananes 10 fois le prix habituel. Je rejoins Oudomxay à vélo en 2 jours par une jolie route, longeant d’abord la Nam Beng coulant comme un torrent dans une gorge, avant qu’un barrage ne coupe son élan, transformant le paysage en aval, où les eaux s’accumulent immobiles en de larges étendues. De nombreux villages profitent de la route et de la rivière.
bateau Luang Prabang à Pak Beng
Je me console de n’être pas allé à Phôngsali, en poussant jusqu’à Muang Sing à proximité des frontières chinoise et birmane, par une route encore sinueuse et avec un bon dénivelé, où encore un barrage est en construction. Muang Sing s’étale dans une vaste plaine où maïs, bananes, et canne à sucre sont les principales cultures qui ont peu à peu remplacé l’opium. Le marché du matin est un des plus animés du nord du Laos, avec les tribus Hmong, Thaï Lû, Akha, Thaï, venus vendre leurs produits. Des changeurs de monnaie étalent leurs énormes liasses de billets dans leurs vitrines.
Je visite à vélo les villages environnants. Une piste mène à Xieng Kok, d’où on peut rejoindre en bateau et par une piste Houa Xay. Je m’y serais volontiers aventuré il y a encore 10 ans, mais après tous ces dénivelés, je n’ai plus trop envie de souffrir, et pour éviter de refaire deux fois la même route, je rejoins Houay Xay en bus, avant de terminer mon périple par deux nouvelles semaines au nord de la Thaïlande.
marché Muang Sing
le Mekong à Huay Sai
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