Je dois sortir la pince pour péniblement détordre les tôles, et enfin prendre la route. Mais ça n’est pas comme j’avais vu sur google earth ! Il y a des travaux, et je dois zigzaguer de boulevard en boulevard, à côté des vélos, piétons, rickshaws, prendre d’abord la direction de Calcutta (je connais déjà, pas envie d’y aller maintenant !), avant enfin de m’élancer sur la NH 34.
Je retrouve l’Inde, il me faut vite me réadapter à  cette folle circulation, éviter tous ces deux, trois, quatre roues et attelages divers s’arrêtant subitement, et faire gaffe à ce qui vient en face car ils doublent sans se préoccuper de moi !
Je n’ai pas de monnaie et ne parvient à acheter de l’eau minérale qu’après plusieurs tentatives, et quand un commerçant accepte d’envoyer un gamin trouver du change je ne sais où. Au fil des jours, je vais m’efforcer de stocker des petites coupures pour éviter ce genre d’inconvénient.
Voilà, le stress s’évacue, je regarde prudemment autour de moi cet univers chaotique, populeux, mais plutôt souriant. Il me faut rouler une quinzaine de kilomètres pour que ça se desserre un peu et que ça fasse un peu plus province, mais c’est relatif, et je reste vigilant.
J’ai mangé plusieurs fois dans les avions, n’ai pas dormi et n’avale rien à midi. Je me familiarise à nouveau avec les bruits et les couleurs de l’Inde, les
transports de légumes, fruits…oignons et piments sans quoi la vie ne serait pas possible dans ce pays, et toutes sortes de matériaux, meubles…les bus bondés, klaxonnant à tout va, les petits marchés locaux où abondent choux-fleurs, tomates, longs radis blancs ou roses…
 
les baraques à thé où je provoque toujours un attroupement, ils aiment se faire prendre en photo et s’informer sur moi, mon pays, mon voyage, les écoliers qui me hèlent. Je passe le grand marché de Barasat. Les Indiens chiquent à longueur de journée un mélange de morceaux de noix de bétel et de chaux enveloppé dans une feuille de bétel, qui leur rougit les dents. 
La température monte jusqu’à 20°C, étonnamment doux pour la saison, comme me le confirment les Bengalais. Mais ça ne durera pas et ça va se rafraîchir dans les jours suivants et je roulerai souvent avec un brouillard persistant toute la journée.

Vers 16h, j’arrive à proximité de Krishnanagar où je compte faire ma première étape. Je suis bloqué une demi-heure à un passage à niveau, puis la nuit commence à tomber et j’accélère un peu.
 
Alors que je regarde une bande de gamins qui me crient des hello hello, la roue avant se plante dans un gros trou, le vélo se met à la verticale, m’éjectant comme un cheval fougueux et je retombe sur ma monture, poussant un gros cri de frayeur. Je me relève, je saigne aux deux cuisses, au coude, et à la fesse, le pantalon est déchiré, mais je marche. Mais le vélo ne roule pas. Une branche du porte-bagages avant qui était dessoudée et que j’avais négligée de ressouder, s’est enroulée autour du moyeu, tordant sérieusement deux rayons qui ont quand même résisté. Je pense un moment que c’est déjà fichu dés le premier jour, mais un jeune plus débrouillard que moi, m’aide à sortir ce bout de tube de la roue. Malgré les rayons tordus, la roue n’est même pas voilée. Les sacoches tiennent et je repars en sang. J’arrête dans une station service nettoyer le plus gros à l’eau. J’arrive de nuit  après 17h à Krishnanagar, ne trouve pas un bon hôtel et finis dans une lodge sommaire mais sympathique. Je paie 100 roupies (1,5€), pour une petite chambre sans drap, avec salle de bain commune à l’extérieur, où je m’enferme pour bien tout nettoyer sous la douche froide. J’ai une bonne pharmacie, je désinfecte bien les blessures, pommade, et panse, avant d’aller manger et bien dormir après cette première journée agitée, malgré les bruits environnants.